mardi 31 juillet 2007

Serrault, Bergman, Antonioni

Dure semaine pour les cinéphiles.

Michel Serrault décède dimanche, suivi d'Ingmar Bergman lundi. Et comme si ce n'était pas assez, Michelangelo Antonioni passe l'arme à gauche mardi.

Il n'y a pas eu d'autre morts depuis. Ouf. Retour sur trois pertes dans le monde du cinéma.

Michel Serrault (1927-2007)

Michel Serrault a touché à tous les registres, avec, il faut toutefois l'admettre, un succès critique variable. Je retiens de cet acteur ses rôles marquants d'homosexuel flamboyant dans La Cage aux folles, le notaire arrogant sous interrogatoire serrée de Garde à vue, ou de vieil homme apatique dans le sensible Nelly et Monsieur Arnaud, trois rôles disparates qui, mis un à côté de l'autre, illustre toute sa polyvalence.

Dans ses derniers films, il avait mis son talent d'acteur au service de personnage de vieil homme quelque peu grincheux, rôle dans lequel il excellait — voir Le Papillon et Le Bonheur est dans le pré pour s'en convaincre.

Il va nous manquer. Heureusement, on peut se taper en boucle cette célèbre scène burlesque:




Ingmar Bergman (1918-2007)

Bien des cinéastes auraient vendu leur mère pour avoir le talent de tourner qu'un seul chef-d'oeuvre. Bergman, à lui seul, en a tourné une vingtaine.
Scènes de la vie conjugales, Saraband, Fanny et Alexandre, Les Fraises Sauvages, Cris et Chuchotement ou L'Heure du Loup, pour ne nommer que ceux-ci, ont transformé le cinéma de simple moyen de divertissement à un média où il est possible de traiter d'enjeux existentiels.

Bergman, en dépit de son âge avancé, était et demerera toujours un cinéaste actuel. On regardera encore le troublant Septième Sceau dans 50 ans, 100 ans, 200 ans. (American Pie? Moins sûr.)



Avec la mort de Bergman, la communauté cinématographique vient de perdre ce que je juge être l'un des cinq plus grands réalisateurs de l'histoire du cinéma — les autres étant Orson Welles, Charlie Chaplin, Alfred Hitchcock et Stanley Kubrick.

Lui qui a si bien mis en scène la Grande Faucheuse sous les traits de Bengt Ekerot dans Le Septième Sceau en 1957, avait produit ce film car il était persuadé qu'il allait mourir sous peu, aura finalement vécu 50 ans de plus. Paradoxalement pour quelqu'un à la cinématographie aussi tourmenté, il a très bien vieilli et avait toute sa tête jusqu'à ses derniers jours, comme vous le verrez dans le documentaire Bergman et le cinéma, qui sera diffusé le dimanche 5 août à 20h30 sur les ondes de Télé-Québec.

(Personnellement, je souhaite vieillir cmme Ingmar Bergman. Tourment existentiel en moins.)


Michelangelo Antonioni (1912-2007)

La France a eu son 11 octobre 1963. La communauté cinématographique a son 31 juillet 2007.

Bergman mort, c'est déjà un choc. Antonioni en plus dans la même journée? Les cinéphiles savaient bien que le maître italien allait partir un jour ou l'autre suite à ses nombreux problèmes de santé, mais jamais en même temps qu'une autre légende du cinéma.

Concrètement, une claque sur la gueule aurait été plus apprécié que la mort de ces deux monstres du cinéma la même journée.

Je suis moins familier avec Antonioni — oui, je sais que c'est une tare que je me dois de corriger le plus vite possible. J'ai toutefois vu son ultime chef-d'oeuvre: Blow Up. S'il n'y a qu'un film d'Antonioni que vous devez voir, c'est celui-ci. Bien que se déroulant dans le milieu hip londonien des années 60, le film transcende sa période et est toujours actuel dans ses thématiques: notre rapport à l'image, notre rapport au cinéma, notre rapport à autrui, notre rapport au matériel.

Sa mise en scène est à la fois lente, mais chargée. Dans Blow-Up, tout est dans le détail. Regardez attentivement cette scène d'anthologie — avec en vedette The Yardbirds, l'ancêtre de Led Zeppelin — et vous comprendrez ce que je veux dire:



Observez le rapport du personnage principal avec le reste de la foule ainsi que le rapport de la foule par rapport aux Yardbirds. Observez à quel point la mise en scène est à la fois contemplative et active. C'est une scène qui, il me semble, illustre à merveille ce que doit être le cinéma: une trame narrative à plusieurs couches et une mise en scène dans laquelle tous les détails ont de l'importance.

Antonioni a été le père spirituel du cinéma contemplatif asiatique contemporain. Un réalisateur tel que Tsai Ming-liang, par exemple, lui en doit beaucoup.

Arridiverci, Antonioni.

* * *


Sur une note "Ça aurait pu être pire", nous pouvons toutefois nous compter chanceux que ces grands noms sont morts après avoir pu construire une oeuvre achevé. Kieslovski, un autre grands parmi les grands, est mort après avoir laissé une oeuvre inachevée, ce qui a rendu sa mort encore plus désolante que celles de Bergman et Antonioni.

Sur ce, je vous laisse, je cours m'empruter Profession Reporter d'Antonioni...

3 commentaires:

Ostide Calisse a dit...

Le Québec avait aussi eu sa semaine maudite marquée par le passage de la Faucheuse: Jean-Louis Paris, Jacques "Patof" Desrosiers et Aimé Major sont morts coup sur coup en juin 1992.

Anonyme a dit...

Max von Sydow n'interprétait pas la mort dans le septième sceau. La grande faucheuse était interprétée par Bengt Ekerot.

Cinoche78: a dit...

Oups, info corrigée. Merci. :-)