jeudi 29 novembre 2007

Elvis Gratton is alive and kicking

Je travaille depuis près de six ans dans des centres d'appels, et une des mes observations est que, peu importe le centre d'appel, les immigrants de deuxième génération y sont surreprésentés par rapport à leur poids démographique dans le Québec. Plusieurs raisons expliquent cet état de fait: les centres d'appels sont en majorité basés à Montréal; les immigrants de deuxième génération parlent généralement trois langues; plus platement, ils sont réduits à ce genre d'emploi puisque leur compétence dans leur domaine d'études ne sont pas encore reconnus.

On ne se surprendra alors pas d'apprendre que l'actuel centre d'appel pour lequel je travaille est une mosaïque culturelle qui ferait pleurer de joie n'importe quel tenant du multiculturalisme canadian: tous les coins du monde y sont représentés — ou presque, car, hélas, je n'ai pas encore de collègue de travail suédoise de 21 ans, blonde aux yeux bleus —et tous et chacun cohabitent dans l'harmonie.

À vrai dire, je suis l'un des rares Québécois de souche à travailler dans ce centre d'appel. C'est ainsi que les clients québécois de souche, probablement soulagés d'entendre un des leurs avec un gros accent de Montréal, croient avoir une oreille à leur écoute.

Et c'est là que ça fait peur. Parce que ces Elvis Gratton croient avoir affaire à quelqu'un comme eux, ils se permettent de cracher tout le mépris qu'ils ont envers mes collègues de travail qui ont le malheur de parler français avec un accent différent de celui du Québécois moyen.... et, croyez-moi, ce n'est pas beau ni à entendre, ni à répéter.

(C'est dans ces circonstances que j'ai le goût de transférer l'appel à une collègue de travail, qui a une voix tout ce qu'il y a de québécois... mais qui est en fait une Tunisienne qui porte le hijab. Mouhahahaha...)

Étrangement, c'est le premier centre d'appel où je sens autant de hargne des clients envers les immigrants de deuxième génération. Certes, il y avait toujours des WASP un peu trop pincés qui grognait contre des téléphonistes québécois qui avaient le malheur de parler anglais avec un accent trop près de celui de Stéphane Dion, mais jamais de Québécois se plaindre qu'un téléphoniste avait un accent pas assez québécois.

Étrangement, les derniers quarts de travail de téléphoniste de mon ancien emploi étaient en mai, et j'ai pris les premiers appels de mon nouvel emploi en octobre. Serait-ce que, cet été, tout le délire cosmique autour des accommodements raisonnables et de la Commission Bouchard-Taylor qui a réveillé le Elvis Gratton intérieur du Québécois moyen? À moins que ce soit moi qui me fasse des idées?

4 commentaires:

David a dit...

On serait curieux d'avoir quelques exemples types des conversations que tu peux entendre... question de bien étaler la bêtise humaine sur la pain de la conscience collective...

Renart Léveillé a dit...

Oui, en effet, la Commission a ouvert la vanne... se refermera-t-elle?

Alex Trakker a dit...

Ah oui moi aussi je serais curieux d'avoir un vrai exemple d'une conversation avec un bon Bob Gratton qui trouve que toi au moins tu parles comme du monde ;-)

Renart Léveillé a dit...

Joyeux Noël!