Je travaille depuis près de six ans dans des centres d'appels, et une des mes observations est que, peu importe le centre d'appel, les immigrants de deuxième génération y sont surreprésentés par rapport à leur poids démographique dans le Québec. Plusieurs raisons expliquent cet état de fait: les centres d'appels sont en majorité basés à Montréal; les immigrants de deuxième génération parlent généralement trois langues; plus platement, ils sont réduits à ce genre d'emploi puisque leur compétence dans leur domaine d'études ne sont pas encore reconnus.
On ne se surprendra alors pas d'apprendre que l'actuel centre d'appel pour lequel je travaille est une mosaïque culturelle qui ferait pleurer de joie n'importe quel tenant du multiculturalisme canadian: tous les coins du monde y sont représentés — ou presque, car, hélas, je n'ai pas encore de collègue de travail suédoise de 21 ans, blonde aux yeux bleus —et tous et chacun cohabitent dans l'harmonie.
À vrai dire, je suis l'un des rares Québécois de souche à travailler dans ce centre d'appel. C'est ainsi que les clients québécois de souche, probablement soulagés d'entendre un des leurs avec un gros accent de Montréal, croient avoir une oreille à leur écoute.
Et c'est là que ça fait peur. Parce que ces Elvis Gratton croient avoir affaire à quelqu'un comme eux, ils se permettent de cracher tout le mépris qu'ils ont envers mes collègues de travail qui ont le malheur de parler français avec un accent différent de celui du Québécois moyen.... et, croyez-moi, ce n'est pas beau ni à entendre, ni à répéter.
(C'est dans ces circonstances que j'ai le goût de transférer l'appel à une collègue de travail, qui a une voix tout ce qu'il y a de québécois... mais qui est en fait une Tunisienne qui porte le hijab. Mouhahahaha...)
Étrangement, c'est le premier centre d'appel où je sens autant de hargne des clients envers les immigrants de deuxième génération. Certes, il y avait toujours des WASP un peu trop pincés qui grognait contre des téléphonistes québécois qui avaient le malheur de parler anglais avec un accent trop près de celui de Stéphane Dion, mais jamais de Québécois se plaindre qu'un téléphoniste avait un accent pas assez québécois.
Étrangement, les derniers quarts de travail de téléphoniste de mon ancien emploi étaient en mai, et j'ai pris les premiers appels de mon nouvel emploi en octobre. Serait-ce que, cet été, tout le délire cosmique autour des accommodements raisonnables et de la Commission Bouchard-Taylor qui a réveillé le Elvis Gratton intérieur du Québécois moyen? À moins que ce soit moi qui me fasse des idées?
jeudi 29 novembre 2007
lundi 12 novembre 2007
Silence, s'il vous plaît!
Je vous invite à lire le dernier blogue de l'ami David sur l'attitude du public lors d'une représentation d'une pièce de théâtre chez Duceppe.
Pour avoir travaillé pour une billetterie qui vendait entre autres les billets du Théâtre Jean-Ducceppe, je n'ai aucune difficulté à croire les dires de ce blogue. Après tout, le public qui achète des billets pour le Théâtre Jean-Ducceppe est, restons poli, un public différent de ceux des autres théâtres.
Il serait toutefois réducteur de ramener cet incident à la clientèle de ce théâtre.
Car si la technologie abolit les frontières, il semble qu'elle abolit aussi les bonnes manières. Il y a dix ans à peine, le seul désagrément possible dans le lieu public était le Roger bavard et sa Géraldine de femme, dont le bavardage trop insistant et fort nous portaient à croire qu'ils se pensaient dans son salon. Mais on pouvait toujours rationaliser la chose, sans la justifier, en se disant que Roger et Géraldine ne sortait pas souvent.
Ce n'est plus le cas aujourd'hui. Il y a certes toujours les Roger et les Géraldine, mais des urbains se mettent de la partie à l'aide des nouvelles technologies. L'espace public de 2007 est envahi par la musique techno ou hip-hop jouée à tue-tête, des sonneries de cellulaire de mauvais goût et de jeux vidéo avec une trame sonore conçue pour plaire aux plus débiles des débiles profonds.
Combien de fois vois-je dans le métro des gens — toutes catégories d'âges confondus — nous imposer leur musique sans même prendre la peine de s'acheter des écouteurs? Et encore: ceux qui portent des écouteurs écoutent leur musique à un volume si élevé que l'effet est le même que s'il n'en portait pas.
Il est vrai que le problème avec les iPod, les cellulaires ou les jeux vidéos du même acabit, c'est que la sophistication technologique de ces appareils électroniques est inversement proportionnelle au degré de civisme de ceux qui les utilisent. Mais j'ose avancer une autre hypothèse: et si ce bruit était délibéré, car indicateur de succès social?
Faire du bruit, c'est montrer que nous avons une vie remplie, occupée, que nous avons réussi à tisser des liens sociaux et culturels. À défaut de s'acheter une grosse bagnole pour impressionner, des urbains écoutent le dernier album à la mode sur un iPod Touch dernière génération d'une oreille pendant que, de l'autre, ils écoutent sur le cellulaire dernier cri ce que son ami à a dire — et ça, c'est s'il ne communique pas avec lui en SMS avec un Blackberry.
Dans notre société basée sur le succès et la performance, faire du bruit est un indicateur de succès: il sous-entend le mouvement, l'action, la capacité d'avoir une influence et une prise sur le monde.
Faire du bruit en public, c'est vouloir montrer que nous sommes importants. C'est aussi rejeter la cohésion sociale, les règles du savoir-vivre. Tout comme le télémarketing, c'est empiéter dans l'espace d'autrui de manière non sollicité pour donner une impression d'importance. Mais, dans les deux cas, le résultat reste le même: une impression que quelqu'un, quelque part, veut cacher son insignifiance dans un show de boucane.
Pour avoir travaillé pour une billetterie qui vendait entre autres les billets du Théâtre Jean-Ducceppe, je n'ai aucune difficulté à croire les dires de ce blogue. Après tout, le public qui achète des billets pour le Théâtre Jean-Ducceppe est, restons poli, un public différent de ceux des autres théâtres.
Il serait toutefois réducteur de ramener cet incident à la clientèle de ce théâtre.
Car si la technologie abolit les frontières, il semble qu'elle abolit aussi les bonnes manières. Il y a dix ans à peine, le seul désagrément possible dans le lieu public était le Roger bavard et sa Géraldine de femme, dont le bavardage trop insistant et fort nous portaient à croire qu'ils se pensaient dans son salon. Mais on pouvait toujours rationaliser la chose, sans la justifier, en se disant que Roger et Géraldine ne sortait pas souvent.
Ce n'est plus le cas aujourd'hui. Il y a certes toujours les Roger et les Géraldine, mais des urbains se mettent de la partie à l'aide des nouvelles technologies. L'espace public de 2007 est envahi par la musique techno ou hip-hop jouée à tue-tête, des sonneries de cellulaire de mauvais goût et de jeux vidéo avec une trame sonore conçue pour plaire aux plus débiles des débiles profonds.
Combien de fois vois-je dans le métro des gens — toutes catégories d'âges confondus — nous imposer leur musique sans même prendre la peine de s'acheter des écouteurs? Et encore: ceux qui portent des écouteurs écoutent leur musique à un volume si élevé que l'effet est le même que s'il n'en portait pas.
Il est vrai que le problème avec les iPod, les cellulaires ou les jeux vidéos du même acabit, c'est que la sophistication technologique de ces appareils électroniques est inversement proportionnelle au degré de civisme de ceux qui les utilisent. Mais j'ose avancer une autre hypothèse: et si ce bruit était délibéré, car indicateur de succès social?
Faire du bruit, c'est montrer que nous avons une vie remplie, occupée, que nous avons réussi à tisser des liens sociaux et culturels. À défaut de s'acheter une grosse bagnole pour impressionner, des urbains écoutent le dernier album à la mode sur un iPod Touch dernière génération d'une oreille pendant que, de l'autre, ils écoutent sur le cellulaire dernier cri ce que son ami à a dire — et ça, c'est s'il ne communique pas avec lui en SMS avec un Blackberry.
Dans notre société basée sur le succès et la performance, faire du bruit est un indicateur de succès: il sous-entend le mouvement, l'action, la capacité d'avoir une influence et une prise sur le monde.
Faire du bruit en public, c'est vouloir montrer que nous sommes importants. C'est aussi rejeter la cohésion sociale, les règles du savoir-vivre. Tout comme le télémarketing, c'est empiéter dans l'espace d'autrui de manière non sollicité pour donner une impression d'importance. Mais, dans les deux cas, le résultat reste le même: une impression que quelqu'un, quelque part, veut cacher son insignifiance dans un show de boucane.
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