Pas moyen d'ouvrir la télé ou de lire le journal sans entendre ou lire un journaliste qui essaie tant bien que mal de faire de la contorsion intellectuelle afin de réinventer une manière de parler de vous-savez-qui. Tous les commerçants ont des affiches de vous-savez-qui. La rentrée sans vous-savez-qui. Claude Poirier va dans une cabine téléphonique, déchire sa chemise et devient Le Négociateur afin de sauver vous-savez-qui. On aurait vu vous-savez-qui dans une vieille camionnette. Et maintenant, LCN interviewe des voyantes afin d'en apprendre davantage sur vous-savez-qui.
N'importe quoi.
Le problème est qu'il y a une interaction entre les médias et les fêlés de ce bas monde. Les médias mettent du vous-savez-qui mur-à-mur, ce qui alimente les fantasmes des mythomanes qui affirment avoir vu vous-savez-qui, ce qui amène les médias à interviewer les mythomanes qui affirment avoir vu vous-savez-qui, ce qui inspire d'autre désaxés qui affirment eux aussi avoir vu vous-savez-qui au même endroit, ce qui alimentent les médias en propos, et ce qui amène la population dans un délire paranoïaque, qui inspire les médias à parler encore plus de vous-savez-qui... et ainsi de suite.
Et cette boucle infinie délirante se suffit à elle-même, jusqu'au moment où l'on retrouvera vous-savez-qui.
Que l'on retrouve vous-savez-qui. Morte ou vivante, m'en fout. Que l'on la retrouve pour faire cesser ce tapage médiatique qui est en train d'enfoncer le Québec dans un délire collectif encore plus profond qu'il ne l'est déjà.
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Vous imaginez-vous si on retrouverai vous-savez-qui morte et que son ravisseur était un Arabe, un Juif et/ou un Noir? Ça pincerai les deux cordes sensibles du Québec de 2007: les-méchants-immigrants (sic) et vous-savez-qui.
Il y a deux personnes au Québec qui rêvent d'un pareil scénario: Pierre-Karl Péladeau et Mario Dumont. Le premier pour vendre encore plus de copie et encore plus de temps d'antenne; le second, à l'image des Républicains qui admettent rêver d'un autre attentat en sol américain, question de mobiliser les Américains derrière le programme politique républicain, afin de promouvoir son discours haineux, de gagner des votes et de prendre le pouvoir.
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C'est quoi ce délire cosmique, anciens collègues? Pendant que vous traquez vous-savez-qui, le Canada se prépare à devenir la poubelle nucléaire du monde, et il y a un silence radio. Pas de débat, peu de nouvelles, aucun souci d'éveiller la conscience des citoyens à ce problème qui, pendant ce temps en Australie, divise la population depuis au moins un an et qui embarrasse à ce point le gouvernement conservateur de John Howard qu'il pourrait perdre la prochaine élection sur cette question.
On me dira que cette nouvelle ne fait pas lever l'audimat. Mais qui a dit que les journaux télévisés devraient faire lever l'audimat? Traitez-moi de gauchiste qui sent le patchouli si ça vous chante, mais j'ai toujours crû que les vecteurs d'informations doivent, par essence, distiller l'ennui. Pas trop, mais juste assez pour ne pas avoir l'idée de regarder les nouvelles ou de lire un journal simplement pour se divertir. Si quelqu'un veut simplement se divertir, il pourra toujours regarder Virginie.
Et j'ai l'impression que c'est ça, vous-savez-qui: du Virginie, mais en vrai, monté de manière à divertir.
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Puisque les médias n'ont pas grand chose à dire l'été, ils meublent l'espace public de sujets qui sont invariablement les mêmes à chaque année. Les déménagements du 1er juillet. Les vacances de la construction. L'attente aux douanes canadiennes.
À chaque été, il y a un enfant disparu qui retient l'attention — comme s'il n'y en avait qu'un seul.
Hier, une ballade en métro m'a permis de voir l'affiche d'une ado portée disparue. Ça doit bien être la première fois depuis deux mois qu'une affiche d'enfant recherché n'était pas pour retrouver vous-savez-qui.
Cet été, combien d'ados et d'enfants ont disparu dans le silence média le plus total?
C'est à leurs parents que je pense en ce moment.
5 commentaires:
"Il y a deux personnes au Québec qui rêvent d'un pareil scénario:"
À la suite de cette phrase, j'ai eu peur que tu me nommes...
Depuis que j'ai publié mon dernier texte sur le thème des immigrants, je suis l'homme à abattre, même par mon meilleur pote, je te dis pas...
Je publie tantôt un texte explicatif pour tenter de me débarasser de cette odeur de m... qui me colle virtuellement à la peau.
Non mais tu t'intéresses à des questions beaucoup trop complexe... Ça passera !
On lâche pas ! :)
@ Renart: je ne suis pas d'accord avec le texte en question, mais tu peux compter sur mon appui parce que je ne penses pas que tu sois un raciste. :-)
@ Tétoine: j'avoue candidement que je ne comprends pas ton commentaire, alors je ne peux y répondre. Est-ce possible de clarifier? :-)
Je t'ajoutes le lien ici si tu n'es pas venu sur mon blogue ou retourné sur UHEC. J'ai écrit un texte explicatif en réponse aux critiques, et je l'ai publié hier soir sur UHEC. Je le publierai cette nuit sur mon propre blogue.
Cinoche, je suis du même avis que toi au sujet de vous savez qui, comme tu dis. Je suis compatissante, mais là c'est devenue juste un gros show qui pue. Quand je vois son père, c'est horrible, mais j'ai l'impression qu'il aime ça passer à la télé, qu'il se complaît dans son rôle du papa qui pleure. Je sais que ça n'est pas une opinion populaire, mais c'est la mienne en tout cas.
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